
Toutes les voitures qui arborent le vocable Indy 500 n’ont pas nécessairement le même statut, ni la même importance historique. La Ford Thunderbird de l’Indy de 1961 inscrite au catalogue de la vente aux enchères que présentera Bonhams en Angleterre, en avril, en témoigne éloquemment.
La mythique course de l’Indy 500 à Indianapolis a donné naissance à une longue lignée de voitures vedettes qui… n’ont pas fait la course. Ce sont les voitures de sécurité, celles que les anglophones surnomment Pace Car. Au début de chaque épreuve, depuis la première en 1911, une voiture de sécurité a devancé les bolides jusqu’au déploiement du drapeau vert signalant le début de la course. Cette voiture servait aussi à regrouper le peloton lors d’un incident. Très rapidement, la popularité de l’événement aidant, les constructeurs ont réalisé combien cette visibilité valait son pesant d’or. Voilà pourquoi ils ont rehaussé l’apparence de ces voitures, en plus de les multiplier.
A priori, on pourrait croire que cette Thunderbird est une pièce de collection unique et incontournable, à cause de sa filiation avec cette course. Bonhams nous apprend d’ailleurs que son propriétaire dispose de nombreux documents attestant de sa participation à la 45e édition de l’Indy 500, remportée par A. J. Foyt.
Il faut cependant relativiser cela un peu puisque cette voiture est une des 34 décapotables similaires fournies par Ford aux organisateurs des événements de 1961. Et encore, celle-là avait un rôle secondaire.
Deux de ces voitures sont plus importantes que les autres : les voitures de sécurité. Celles-là ont des sièges en cuir d’un blanc cassé, teinte baptisée Light Pearl Beige. Celle qui a servi à signaler le départ de la course a même été offerte à Foyt lors du banquet célébrant sa victoire, de même qu’une bourse d’environ 400 000 $ US.
En outre, toutes les Thunderbird avaient une carrosserie de couleur or et une capote blanche. Mais la peinture des voitures de sécurité était spéciale. Dans sa livraison du 11 avril 1961, le quotidien The Indianapolis Star explique que ces deux voitures, dont la valeur est 5 300 $ US, ont une peinture composée d’or véritable. À elle seule, la peinture appliquée sur la carrosserie coûtait 500 $. D’ailleurs, par précaution, dans le coffre à gants de ces deux voitures, on trouvait une petite bouteille de peinture pour retouches valant 70 $ US !
Les Thunderbird du Festival
Pour les 32 autres Thunderbird, la peinture or de leur carrosserie était exclusive aussi, mais sa composition ne comprenait pas d’or véritable. Après la course, elles seront vendues pour moins cher; en juin, Jerry Alderman Ford d’Indianapolis en offre une à 4 299 $ US.
Ces décapotables avaient des sièges noirs (en cuir ou en vinyle, selon la voiture) et on les surnommait Festival Cars. Il s’agissait de voitures officielles affectées à divers événements entourant la course, mais principalement aux activités du Festival Indy 500. Créé en 1957 par des gens d’affaires d’Indianapolis, ce festival anime la ville durant plusieurs jours avant l’événement. Jusqu’en 2020, il a même été le prétexte du couronnement d’une Reine du Festival, une personnalité qui, bien entendu, était mise en valeur lors de la parade inaugurale de la course.
Toutefois, rien ne confirme que la Thunderbird 1961 qui sera offerte en Angleterre a servi à transporter la ravissante Diane Hunt, élue Reine du Festival cette année-là. L’encanteur n’en fait nullement mention, mais il aurait sûrement aimé ajouter ce détail au pedigree de la voiture.
En revanche, Bonhams nous apprend qu’après la course, cette Thunderbird a été vendue à un dénommé Paul Thrasher de Columbus, en Ohio, par un concessionnaire Ford d’Indianapolis. Il va la conserver durant 28 ans, tout en l’utilisant occasionnellement pour des promenades estivales.
Restaurée pour un 75e… et un 30e anniversaire
Puis, avant de déménager en Arizona, en 1989, M. Thrasher la vend à Derek Boulton. À l’époque, l’odomètre de la décapotable affiche environ 54 000 milles (87 000 km) et Thrasher précise à son acheteur qu’elle n’a guère bougé depuis une dizaine d’années. Voilà pourquoi, au cours des 18 mois qui suivent, Boulton fait subir à cette Ford une restauration intégrale afin de lui rendre son lustre original. Car il est invité aux célébrations du 75e anniversaire de l’Indy 500, qui ont lieu en 1991.
En y prenant part, du même coup, Boulton va souligner les 30 ans de la participation de sa Thunderbird à l’épreuve en l’exhibant de multiples façons : lors d’un défilé dans les rues d’Indianapolis, la veille de la course, durant une tournée du circuit avec, comme passagers, des pilotes de l’épreuve de 1961 et, naturellement, lors de la parade inaugurale.
À quelques reprises, de 2008 à 2010, Boulton se rendra aussi au Royaume-Uni avec sa voiture, où il la conduira sur le circuit de Goodwood. Il la vendra en 2013 à son propriétaire actuel, que Bonhams se garde d’identifier. D’ailleurs, serait-il Britannique, ce propriétaire ? Car, depuis qu’il a mis la main sur cette Thunderbird, on l’a vue occasionnellement au festival Goodwood Revival. À une occasion, il permettra même à Charles Henry Gordon-Lennox, le 11e duc de Richmond et fondateur du Festival de la vitesse de Goodwood et du Goodwood Revival, de la conduire avec l’astronaute américain Buzz Aldrin à ses côtés !
La voiture de sécurité la plus puissante
Comme les 33 autres Thunderbird de l’Indy 500 de 1961, cette décapotable était dotée d’un V8 de 390 po cu (6,4 L) développant 300 ch. Cela en faisait la voiture de sécurité la plus puissante de l’histoire de l’Indy 500, clamaient les concessionnaires Ford desservant Indianapolis dans une publicité publiée dans le quotidien The Indianapolis Star. En outre, son moteur à carburateur Holley à quatre corps était jumelé à une boîte de vitesses automatique Cruise-O Matic MX à 3 rapports.
À l’origine, cette voiture était chaussée de pneus à flancs blancs Firestone, le commanditaire de la course de 1961. Axée sur le luxe et le confort, sa dotation comprenait des freins assistés, une direction assistée, des vitres et des sièges électriques, une capote à ouverture assistée électrique, des essuie-glaces à deux vitesses avec lave-glace, un volant escamotable. Avec la voiture offerte par Bonhams, le nouvel acheteur recevra un cric, des outils et une boîte de pièces de rechange. Le vendeur affirme d’ailleurs avoir « investi une somme considérable pour maintenir la voiture en parfait état de marche », précise l’encanteur.
L’odomètre de cette Thunderbird affiche actuellement 85 814,8 milles (138 102 km). C’est donc le 13 avril prochain qu’elle sera offerte aux collectionneurs présents à la vente de Bonhams au Goodwood Revival Meeting à Chichester, dans le West Sussex, à une centaine de kilomètres de Londres. Les spécialistes de Bonhams situent sa valeur (en dollars canadiens) entre 84 000 $ et 140 000 $. De son côté, l’assureur Hagerty, plus conservateur, l’estime entre 62 100 $, pour une voiture en « bon état », à 106 000 $, pour un exemplaire digne de recevoir 100 points à un concours d’élégance. On peut imaginer combien vaudrait la voiture de sécurité qu’avait reçue A. J. Foyt après sa victoire !
Photos : Bonhams
Le texte L’Indy 500 s’invite à la vente aux enchères de Bonhams en Angleterre provient de L’annuel de l’automobile – Actualité automobile