Dans les Laurentides, à quelques kilomètres d’une réserve faunique et à proximité de la ville de Duhamel, se trouve une ressource essentielle pour la fabrication de batteries de véhicules électriques : le graphite. Depuis l’annonce de la compagnie Lomiko Metals Inc., basée en Colombie-Britannique, sur son projet de construction d’une mine de graphite dans la région, certains résidents locaux se mobilisent contre le projet, craignant des dommages environnementaux. L’opposition s’est intensifiée après que les habitants ont appris le mois dernier l’implication du Pentagone dans ce projet.
Subventions pour l’étude et la transformation du graphite
En mai, Lomiko a annoncé avoir reçu une subvention de 11,4 millions de dollars du département de la Défense des États-Unis et une autre de 4,9 millions de dollars de Ressources naturelles Canada pour étudier la conversion du graphite en matériau de qualité pour batteries destinées aux véhicules électriques. Dans son annonce, le Pentagone a déclaré que le graphite de Lomiko renforcerait les chaînes d’approvisionnement énergétique en Amérique du Nord et serait utilisé pour des « applications de défense », des termes qui inquiètent Louis Saint-Hilaire, résident de Duhamel.
Craintes environnementales et implications militaires
« Ils nous disaient que c’était un projet écologique pour fabriquer des batteries électriques, mais maintenant nous avons de sérieux doutes », a déclaré Louis Saint-Hilaire, co-porte-parole du groupe écologiste Coalition Québécoise des Lacs Incompatibles Avec L’Activité Minière. Saint-Hilaire craignait que la mine proposée pollue les nombreux lacs de la région. Désormais, il est préoccupé par le fait que le graphite de sa ville puisse se retrouver dans l’équipement militaire américain.
Claude Bouffard, coordinateur d’un autre groupe environnemental, l’Association pour la Protection de l’Environnement du Lac des Plages, affirme ne pas être nécessairement contre l’extraction de graphite, mais il souligne que sa communauté n’a pas donné son consentement pour le projet de Lomiko.
Réactions des autorités et perspectives d’avenir
Face aux inquiétudes, la compagnie a indiqué qu’elle allait mener des études de faisabilité et métallurgiques au cours des cinq prochaines années et serait soumise à un examen par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) du Québec. La construction devrait débuter en 2027.
La ministre québécoise des Ressources naturelles, Maïté Blanchette Vézina, n’a pas précisé si elle approuvait le financement du Pentagone, mais a rappelé que les projets miniers doivent être acceptés par la population locale pour aller de l’avant. « Les projets miniers doivent aller de pair avec l’acceptabilité sociale », a-t-elle écrit dans une déclaration.
Ni le département de la Défense ni le consulat général des États-Unis n’ont répondu aux demandes de commentaires concernant l’implication précise du Pentagone dans le projet ou l’utilisation du graphite.
L’importance du graphite et ses utilisations stratégiques
Jean-François Boulanger, professeur en ingénierie minérale à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, a expliqué que le graphite purifié que Lomiko prévoit de produire est effectivement utilisé pour les batteries. Le graphite non purifié, quant à lui, peut être utilisé dans diverses applications, notamment la production d’acier.
Le graphite est un minéral clé pour la fabrication d’équipements militaires. Un rapport de 2023 du Centre de La Haye pour les études stratégiques, un groupe de réflexion en matière de défense basé aux Pays-Bas, classe le graphite parmi les minéraux critiques dont la chaîne d’approvisionnement est menacée. Le rapport indique que les armées européennes ont besoin de graphite pour les avions de chasse, les chars de bataille, les sous-marins, l’artillerie et les munitions.
Investissements et dépendance aux minéraux critiques
Teresa Kramarz, co-directrice du laboratoire de gouvernance environnementale de l’Université de Toronto, n’est pas surprise par le financement du département de la Défense. Elle note que les gouvernements nord-américains et européens investissent massivement dans des minéraux critiques comme le graphite pour réduire leur dépendance aux exportations chinoises. Cela fait partie d’une politique visant à établir des relations commerciales avec des alliés pour sécuriser les approvisionnements.
La Chine est de loin le leader en production de graphite. En 2022, le Canada était classé sixième, avec environ 1 % de la production mondiale ; la Chine en représentait 66 %, selon Ressources naturelles Canada.
Dans une déclaration, Ressources naturelles Canada a précisé que ce financement ne signifie pas que Lomiko Metals devra accorder un accès privilégié au graphite produit aux gouvernements canadien et américain.
Préoccupations pour l’avenir des communautés locales
Quel que soit l’usage prévu pour le graphite, Kramarz souligne que les personnes vivant près des mines craignent que les opérations minières déplacent les écosystèmes et rendent les communautés environnantes économiquement dépendantes d’elles. De plus, les résidents craignent également d’être eux-mêmes déplacés lorsque des terres sont dégagées pour les mines. « Les gens doivent avoir un mot à dire dans ce qui se passe dans leurs communautés », a-t-elle déclaré. « Ce sont les règles de la démocratie. »
Avec des renseignements d’automotive News Canada
Le texte Une mine de graphite près d’une réserve faunique suscite la controverse provient de L’annuel de l’automobile – Actualité automobile