Les fusions du désespoir

Le monde automobile vie à la fois une grande une grande expansion et une forte crise. En période de crise, la fin justifie souvent les moyens. C’est pourquoi un concurrent peut devenir une bouée de sauvetage pour ne pas couler. Plusieurs de alliances que vous voyez en ce moment n’ont rien à voir avec des synergies ou des stratégies : elles cachent trop souvent le désespoir.

La corde au cou

Plusieurs constructeurs disent ouvertement que l’on doit remettre à plus tard la date butoir de 2025 pour la fin des ventes de véhicules à essence neufs, pourquoi ? Parce que les ventes de véhicules électriques à batterie (BEV) ne décollent pas comme il le faudrait pour que les flottes respectent les nouvelles normes. Mais tout le monde n’est pas d’accord. Carlos Tavares, le patron de Stellantis, a qualifié cette demande d’absurde et a martelé qu’il était temps pour ces entreprises de se confronter à la concurrence. Comme toujours, l’exception confirme la règle : ces entreprises ne feront des alliances que lorsqu’elles n’auront pas d’autre choix.

“Alliance” ou “rachat déguisé” ?

Ne vous faites pas d’illusions sur ces “alliances” qui ne sont que des rachats déguisés. C’est ce qui est arrivé en 1998 avec la fusion “d’égaux” entre Daimler et Chrysler, l’alliance Renault-Nissan en 1999, ou encore l’accord entre Fiat et GM en 2000. GM a d’ailleurs dû payer 2 milliards de dollars à Fiat en 2005 pour mettre fin à ce partenariat. Aujourd’hui, avec l’économie actuelle, les constructeurs n’ont plus les moyens de racheter leurs concurrents. Leur seul objectif en s’associant est de réduire les coûts et d’espérer survivre dans un monde où l’électrification est imposée. Et tant que cela reste pratique, ils s’entraident.

L’anonymat des batteries

Contrairement à des moteurs à essence qui ont du caractère, une personnalité propre, une batterie est ce qu’il y a de plus anonyme sur le marché. Personne n’est en mesure de faire la différence entre une batterie de Hyundai de celle d’une BMW. Les différences de performance des moteurs électriques peuvent être ajustées par logiciel, et cela signifie que plusieurs véhicules pourraient partager le même groupe motopropulseur sans que les consommateurs s’en aperçoivent. On peut même emprunté les plateformes et tout le monde n’y verra que du feu. D’autres ne font pas l’effort de véritablement développé un modèles comme le Toyota bZ4X et le Subaru Solterra qui sont des copies conformes.

Le développement coûte une fortune

Le véritable problème, c’est que le développement de ces technologies coûte une fortune. Et en plus des réglementations sur les émissions, les constructeurs doivent s’en remettre aux fournisseurs pour la pièce maîtresse de leurs véhicules électriques : les cellules lithium-ion. Ceux qui en ont les moyens tentent de fabriquer leurs propres batteries ou forment des coentreprises pour avoir un minimum de contrôle sur cette ressource essentielle. La Chine démontre clairement sa suprématie à ce chapitre avec tous les constructeurs qui s’alimentent maintenant chez eux.

Une question de survie

Les constructeurs prévoient de collaborer dans plusieurs domaines, y compris les véhicules à pile à hydrogène (FCEV) et même les moteurs à combustion interne (ICE). Logique, car si les modèles électriques se vendent moins bien que prévu, il faudra bien continuer à commercialiser des véhicules traditionnels. Et sans moteurs conformes aux nouvelles normes d’émission, les constructeurs sont condamnés. Pourquoi ne pas partager ces coûts de développement, alors ? Et si, à terme, les moteurs thermiques deviennent un fardeau, ils perdront moins en ayant mutualisé les investissements.

Volkswagen n’y croit plus

Volkswagen avait planifié ses ventes de BEV en se basant sur les subventions de l’État allemand. Mais quand celles-ci ont disparu, les consommateurs ont cessé d’acheter des voitures électriques. Ils se sont rabattus sur des hybrides ou des véhicules rechargeables (PHEV), moins coûteux. Ce n’était donc pas un manque de préparation, mais une anticipation d’un scénario qui n’a jamais eu lieu. Au moment d’écrire ces lignes Volks traverse une grave crise et menace de fermer des usines en Europe si la situation ne bouge pas.

Sur le pilote automatique

La triste réalité, c’est que la compétition est tellement enracinée dans l’esprit des dirigeants de l’industrie automobile qu’ils ne s’allieront jamais pour trouver de meilleures solutions, comme un standard de batteries interchangeables. Si tous les véhicules partageaient les mêmes modules de batterie remplaçables, les stations de recharge pourraient fonctionner pour toutes les marques. Mais non, chacun veut sa propre solution, en espérant que les autres suivront quand, et seulement si, leur technologie s’impose.

Au final, ces entreprises préfèrent vendre des batteries qui ne dureront pas plus de 15 ans, laissant leurs clients avec des voitures jetables. Tous les quelques mois, vous entendrez parler d’une nouvelle étude proclamant que les batteries dureront autant que la voiture elle-même. Ne vous laissez pas berner. Les voitures thermiques durent bien plus de 20 ans si elles sont entretenues correctement. La mienne a 22 ans et roule toujours sans souci. Si on y réfléchit, 15 ans, c’est peut-être juste ce qu’il faut aux constructeurs pour trouver une meilleure solution – si jamais ils survivent jusque-là.

Le texte Les fusions du désespoir provient de L’annuel de l’automobile – Actualité automobile

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