Porsche en état de crise
Porsche, l’une des marques les plus rentables au monde, traverse une tempête sans précédent. En Chine, ses ventes dégringolent, sa stratégie d’électrification perd de la vitesse, et aux États-Unis, de nouveaux tarifs douaniers viennent fragiliser sa présence. Le contraste est frappant pour cette filiale du groupe Volkswagen, qui ambitionnait encore récemment que 80 % de ses ventes mondiales soient entièrement électriques d’ici 2030.
Recul stratégique face aux réalités du marché
À peine 14 mois après avoir réaffirmé ses objectifs ambitieux en matière de véhicules électriques (VÉ), Porsche fait volte-face. En novembre dernier, la marque annonçait qu’elle allait continuer à développer des motorisations à essence pour contrer une demande insuffisante en Chine. L’introduction des modèles électriques 718 Boxster et Cayman est retardée, tout comme celle d’un nouveau VUS porte-étendard à trois rangées.
La marque a aussi revu ses prévisions de revenus annuels à la baisse : entre 37 et 38 milliards d’euros, contre 39 à 40 milliards auparavant. Les principaux coupables : la faiblesse du marché chinois et les nouveaux tarifs américains sur les véhicules européens.
Une stratégie rigide, un marché en mutation
Selon Fabio Hölscher, analyste chez Warburg Research, la cause principale de cette débâcle réside dans le choix initial de Porsche de tout miser sur l’électrification complète de sa gamme (excepté la 911). Résultat : la marque se retrouve à devoir développer à la fois des modèles thermiques additionnels et gérer les retards coûteux liés aux VÉ, tout en affrontant la baisse de la demande en Chine et les incertitudes liées aux exportations vers les États-Unis.
À l’image de BMW, Porsche aurait dû adopter une stratégie de production plus souple permettant d’alterner entre thermique et électrique, selon lui.
Chine : le mirage du marché premium
En Chine, les ventes du premier trimestre ont plongé de 42 % par rapport à l’an dernier. Porsche attribue cette chute aux « conditions de marché très difficiles » dans le segment de luxe, ainsi qu’à une concurrence féroce. En 2021, Porsche atteignait un sommet avec 95 671 ventes en Chine — son plus grand marché pour la 7e année consécutive.
Mais des start-ups chinoises innovantes proposent désormais des véhicules sportifs et modernes, à prix compétitifs. Leur rapport qualité-prix séduit une clientèle qui n’est plus prête à payer la prime Porsche sans valeur ajoutée tangible, selon Pedro Pacheco, analyste chez Gartner.
Tarifs américains : une menace grandissante
Depuis avril, les tarifs de 25 % imposés sur les véhicules européens compliquent l’équation. Porsche, qui importe tous ses véhicules depuis l’Europe, voit son avantage concurrentiel fondre. Pour le moment, aucune usine américaine n’est envisagée — trop coûteuse et longue à mettre en place — mais une collaboration avec Volkswagen Group aux États-Unis pourrait être envisagée.
Batteries : la désillusion Cellforce
En 2021, Porsche lançait la coentreprise Cellforce pour développer ses propres batteries haute performance. Trois ans plus tard, le constructeur abandonne ses ambitions d’expansion. Raison : la demande trop faible pour les VÉ en Chine. Porsche se tourne de nouveau vers de grands fournisseurs comme CATL pour profiter des économies d’échelle.
En parallèle, le constructeur a acquis en mars une participation majoritaire dans l’unité de batteries e-mobilité de Varta, signe que la sécurisation de l’approvisionnement en cellules demeure une priorité.
Réorganisation à Stuttgart : une équipe remaniée
Pour sortir de cette crise, Porsche procède à un vaste remaniement de sa haute direction. Michael Steiner deviendra le numéro 2 dès le 1er juillet. Vera Schalwig prendra la tête des ressources humaines en août, tandis que Joachim Scharnagl remplacera Barbara Frenkel à l’approvisionnement.
Plus tôt cette année, le constructeur a déjà remplacé son directeur financier et son chef des ventes après une performance jugée insatisfaisante. Ces changements « illustrent la gravité de la situation », selon Hölscher.
Conclusion
Entre des ventes en chute libre en Chine, une demande nord-américaine affaiblie par les tarifs et une transition électrique mal synchronisée, Porsche se retrouve en terrain miné. Pourtant, tout n’est pas perdu. Le marché chinois pourrait rebondir, les concurrents locaux devenir moins abordables, et de nouveaux produits mieux adaptés au marché asiatique pourraient faire leur effet. Mais le constructeur devra ajuster rapidement son tir — et faire preuve de plus de flexibilité — s’il veut préserver sa réputation d’excellence dans un marché mondial en pleine redéfinition.
Avec des renseignements d’Automotive News Europe
Le texte Porsche en état de crise provient de L’annuel de l’automobile – Actualité automobile
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